La pêche

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La pêche professionnelle

Pratiquée dès la Préhistoire sur les berges, la pêche se développa au Néolithique avec les techniques de vannerie et l’invention de la pirogue. Considérée d’abord comme ressource alimentaire de la famille ou du groupe, la pêche devint professionnelle et commerciale à l’époque gauloise et gallo-romaine, alors que naissaient les corporations. Activité florissante durant de longs siècles, elle faillit disparaître après 1945. Aujourd’hui, la pêche professionnelle s’exerce majoritairement en pluriactivité, en complément de la restauration, de la pisciculture ou de l’agriculture. Elle s’intéresse essentiellement à des espèces correspondant au marché local actuel : friture, sandre, écrevisse américaine.

Visuel 15.2 – CD GT 9 Planche 15 Pêche au filet sur un nagerat, bateau de Tournus

Dès la période gallo-romaine

Au 1er siècle ap.JC, le matériel utilisé ressemblait déjà beaucoup au matériel moderne. Les restes d’une cabane de pêche sur les berges de la Saône, trouvés en 1980 près de Villefranche, ont livré une navette en bronze pour tricoter les filets, et une série de plombs à filets. Jusqu’à une période récente, les pêcheurs ont continué à tricoter eux-mêmes leurs filets, ou à les monter en ajoutant les plombs et les flotteurs en liège sur une nappe achetée.

Une pêche réglementée dès le Moyen-âge

Dès le XIVe siècle, des baux de pêche de Chalon-sur-Saône règlementaient la dimension des poissons et des mailles de filet. Du XIVe au XVIe siècle, les pêcheurs professionnels utilisaient de grands filets traînés, ou des engins disposés le long des rives, ou plus souvent placés en batterie, en vastes installations saisonnières ou permanentes. En 1534, on comptait 17 de ces installations entre Anse et Lyon.

Visuel 30 – scan Plug In Maquette de la pêcherie médiévale de Saint-Marcel

Jusqu’à la seconde guerre mondiale

L’encyclopédie Diderot d’Alembert rendit compte, au XVIIIe siècle, de l’importance de la pêche, et de la diversité des méthodes employées. En 1850, la seule Grande Saône comptait 30 lots de pêche, échelonnés sur 175 km de rivière.

Au début du XXe siècle, certains pêcheurs vivaient encore, avec leur famille, représentant parfois 3 générations, sur un bateau spécialement aménagé en bateau-logement.

En 1945, dans le petit port de Farges, 6 pêcheurs faisaient encore vivre 3 grandes familles, satisfaisant une demande locale très élevée. Mais très vite, les conditions de la pêche fluviale se modifièrent. La consommation alimentaire changea, sous l’effet de l’augmentation des revenus, et du développement des infrastructures routières. La viande se substitua partiellement au poisson, et le poisson marin au poisson d’eau douce. Dragages et barrages, dégradant le milieu, amorcèrent une lente décroissance jusqu’au milieu des années 1980.
En 1978, il ne restait plus qu’un pêcheur pluriactif dans le petit port de Farges.

Visuel 07190050 – CD GT 7 Planche 2 Un bateau-habitation au début du XXe s.

La situation actuelle

La Loi Pêche de 1984, prenant en compte l’évolution de l’activité, changea la distinction entre pêcheurs aux lignes et pêcheurs aux engins et aux filets – basée sur la technique utilisée– en distinction juridique entre pêcheurs amateurs et pêcheurs professionnels. Seuls ces derniers ont désormais le droit de vendre leurs prises.
Parallèlement, la profession se structura en une organisation nationale et une association géra l’ensemble du bassin. Les contraintes exercées sur le milieu (dragage, pollution) s’atténuant, l’activité connut un nouveau départ.

Entre 1986 et 1992, 12 pêcheurs professionnels se réinstallèrent à temps plein sur la Saône. En 1992, ils étaient 26 et l’activité concernait une soixantaine de personnes. Depuis, l’activité s’est stabilisée entre pêcheurs à temps plein, pour la plupart néo-pêcheurs issus de milieux extérieurs à la pêche, et pêcheurs traditionnels pluriactifs, majoritaires, exerçant une autre activité du secteur rural .

Visuel 18 – scan Plug In Pêche au carrelet

Les outils de la pêche professionnelle

Production

La pêche aux grands filets, pratiquée autrefois sur l’ensemble de la Saône, a maintenant disparu à cause de la destruction des coups (zones de pêche) par les dragues, mais aussi de la navigation des automoteurs, et de la difficulté de recrutement d’une équipe nombreuse. Les pêcheurs utilisaient les filets traînés ou les engins posés – parfois en installation permanente - tout au long de la Saône. Ces grands filets, lestés de plombs, ou de pierres percées, étaient très lourds. Le produit de la pêche était acheminé et vendu dans les grandes pêcheries urbaines. Aujourd’hui, la pêche professionnelle alimente essentiellement les restaurants du bord de Saône, et le marché de l’agglomération lyonnaise.

Les filets traînés
Du XIVe au XVIe siècle, les archives citent de nombreux filets traînés : le brujin ou brojon à Montmerle (1382) ; la cobla, filet du type segne ou scelle tiré par 2 bateaux couplés, à Thoissey (1449) ; la senne, grand filet traîné, à partie médiane – l’échevau à mailles plus fines – formant poche, à Albigny (1442). La pêche à la senne, ou couble, disparue seulement vers 1940, se pratiquait par légère crue pour profiter du courant, et nécessitait une préparation du coup et un faucardage (fauchage des herbes avec un faucard ) pour éviter que le filet ne s’accroche. Comme pour le raffot en Saône moyenne, toutes ces techniques nécessitaient une équipe de 15 à 20 hommes. La pêche à l’épervier de traîne, ou à l’épervier goujonnier lancé depuis le plat-bord, sont des techniques encore utilisées aujourd’hui. Autres types de filets mentionnées au fil du temps : la pêche au rai (au sud de Chalon), au trumau ou au traque (Allériot), au goifonnier (région de Seurre), ou à la bracca (chère aux anciens pirates de la Saône).

Visuels 07190052 – CD GT 7 Planche 2 Pêche à la senne, autrefois 20 – scan Plug In

Pêche à l’épervier, aujourd’hui

Les engins posés
Utilisés dès le Moyen-Age, les engins posés étaient nombreux au XVIe siècle : les pessières, barrages de pieux supportant un filet, dispositif saisonnier mobile pour la pêche aux lamproies et aux aloses ; les bennes, installations durables (parfois centenaires) constituées d’un long couloir de pieux clayonnés s’ouvrant largement vers l’amont et l’aval, dans lequel nasses et filets mobiles se succédaient. Le tramail, filet ordinairement posé, était constitué de 3 nappes vers lesquelles on repoussait le poisson en tabassant à l’aide d’une sonnette (longue perche à douille et anneaux métalliques entrelacés). Enfin, les repaires à barbeaux et verveux, utilisés un peu partout, étaient particulièrement ingénieux : un vieux bateau, coupé à moitié et recouvert d’un plancher, était coulé avec des pierres. Pour le relever, on hissait simultanément depuis 2 barques les 2 côtés du repaire.

Les bateaux Bien que de construction semblable, les bateaux de pêche de la Saône présentaient des particularités régionales. On rencontrait vers Lyon des bachots, à nez carré et relevé, avec un arrière trapézoïdal. La fourquette, à nez carré et relevé également, avait un arrière pointu. A Tournus, le nez était pointu, et l’arrière trapézoïdal, pour le nagerat, plus silencieux sur l’eau mais moins stable. Enfin, en région mâconnaise, on retrouvait la bêche de pêche, intégrant des viviers à poissons.

Visuel 15.1 – CD GT 9 Planche 15 Schéma d’une bêche de pêche

Vente et transport

Vers les grandes pêcheries urbaines Le poisson était surtout vendu aux grandes pêcheries urbaines, comme celle de Lyon. Des remorqueurs prenaient les bateaux tout au long de la Saône, les pêcheurs accompagnant le poisson pour écumer (éliminer les poissons morts) au fur et à mesure. Les poissons, cédés à un grossiste, étaient revendus à la criée. Des barques viviers de différentes tailles étaient utilisées pour présenter aux clients  la marchandise : paniers, bachuels, boutiques, aux caissons multiples (enchâtres, entremens ou moyens). Une ordonnance du maire de Lyon en 1817 détaillait précisément sur la rive gauche de la Saône, rue de la Pêcherie, le placement de ces « bateaux à poissons, vulgairement appelés bachots ». Dès le XIXe siècle, les pêcheurs purent remonter par le train après la vente, laissant remorqueurs ou péniches tirer leurs bateaux vides.

La pêche amateur

Un loisir très prisé

Une activité réglementée

Définie aujourd’hui par rapport au statut juridique du pêcheur, et non plus à la technique utilisée, la pêche amateur s’exerce principalement à la ligne, mais aussi aux engins et filets. Activité plutôt saisonnière, pratiquée plutôt par des gens de la région que par des visiteurs extérieurs ou vacanciers, la pêche est plus dense à l’approche des agglomérations. Classée en 2ème catégorie domaine public, la Saône est accessible pour la pêche tout au long de l’année, avec de brèves interruptions pour le brochet et le sandre.

Visuel 07200022 – CD GT 8 Planche 1 Sur le quai de Tournus

Une fréquentation de proximité

La pêche de loisir reste locale et saisonnière. Malgré l’étendue du bassin, la rivière attire essentiellement les pêcheurs du Val de Saône et des zones adjacentes, ainsi que quelques agglomérations peu éloignées : Dijon, Beaune, Montceau-les-Mines, le Creusot, mais aussi Bourg-en-Bresse et Dôle. Cette mobilité a été introduite par l’usage de l’automobile, permettant non seulement le rapprochement des pêcheurs de l’arrière pays, mais aussi la remontée des pêcheurs lyonnais. Même en période estivale, la part des vacanciers reste faible L’activité est surtout axée sur juillet, août et septembre, malgré l’ouverture toute l’année comme rivière de 2ème catégorie.

Visuel 07200014 – CD GT 8 Planche 1 Un pêcheur à la ligne

La réglementation

Pour pratiquer la pêche, il faut obligatoirement adhérer à une AAPPMA ( Association Agréée pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, et aquitter une taxe piscicole sur la carte de pêche. De nombreuses formules existent. La pêche de nuit est interdite. La période autorisée se situe entre ½ h avant le lever du soleil et ½ h après le coucher du soleil. Seule, la carpe peut se pêcher la nuit, sur certains secteurs bien délimités. La taille de capture, et la quantité de poissons sont réglementées. Certains poissons doivent être remis à l’eau immédiatement après leur capture. Le poisson doit être décroché avec précautions, en coupant le fil si nécessaire, car le poisson peut se débarrasser de l’hameçon par lui-même. Dans la Saône & Loire par exemple, le brochet doit être relâché si sa longueur est inférieure à 50 cm. La longueur limite inférieure est de 23 cm pour le Black-bass, 40 cm pour le sandre.

La pêche à la ligne

La pêche à la ligne se pratique surtout à partir des berges. En moyenne 1 pêcheur sur 4 utilise une barque, ce qui lui permet d’accéder à des milieux différents ou à des secteurs difficiles. La fréquentation de la Saône par les pêcheurs, importante, est inégale selon les tronçons concernés. Si la densité moyenne sur tout le cours est de 7 pêcheurs au km, seulement 1/10e des berges accueillent le tiers de ceux-ci. En 1995, on estimait à environ 45 000 pêcheurs le nombre des pratiquants réguliers ou occasionnels. La fréquentation semble la plus forte sur les départements du Rhône et de Saône & Loire. Elle est accentuée autour des agglomérations principales, ainsi que sur certains secteurs aménagés, où l’accès à la berge est facilité.

Visuel 27 – scan Plug In Pêche amateur en barque

La pêche aux filets et aux engins

La différenciation juridique entre professionnels et amateurs étant plus basée sur le statut de l’activité -possibilité de vente - que sur les moyens utilisés, des amateurs pratiquent aujourd’hui la pêche aux engins et filets. En 1995, on comptait plus de 300 licences, délivrées sur la Grande Saône, et sur la Petite Saône, tronçon quasiment inexploité par les pêcheurs professionnels.

Visuel 22 – scan Plug In La pêche au sandre

Les poissons vedettes de la Saône

Les carnassiers sont les poissons les plus prisés par les pêcheurs amateurs de la Saône. Cependant, la pêche reste une activité de loisir, sans réelle recherche d’espèces spécifiques.

Les carnassiers

Le brochet, autrefois roi de la Saône, a payé un lourd tribut à l’agriculture moderne, et vu disparaître nombre de ses frayères. Devenu plus rare, mesurant de 70 à 80 cm, il peut encore atteindre 1,20 m. Le sandre, 2ème carnassier de la Saône, atteint des tailles gigantesques. Des spécimens de 10 à 12 kg sont fréquents. La perche, très présente, est souvent de belle taille. Elle affectionne les remous en aval des ouvrages. Le silure, dernier arrivé, est désormais bien présent jusqu’en Côte d’Or. Le Black-bass, pesant ordinairement entre 500g et 1 kg, peut atteindre 2 kg en été.

Visuels 8.2 – CD GT 9 Planche 8 Le brochet

8.8 – CD GT 9 Planche 8 Le sandre

8.6 – CD GT 9 Planche 8 La perche

8.4 – CD GT 9 Planche 8 Le black-bass

Particulièrement nombreuse, la carpe se rencontre en grandes quantités, d’une taille phénoménale, souvent le long des berges.

Visuel 8.3 – CD GT 9 Planche 8 La carpe

Le mystérieux silure

Présent sur le bassin avant les époques glaciaires, le silure a refait une première apparition sur le Doubs en 1930. Il disparaît à nouveau jusque dans les années 1960, où d’importants peuplements apparaissent en Val de Saône et Val de Seille. Aujourd’hui parfaitement adapté, il atteint 2,30 à 2,50 m et pèse jusqu’à 75 kg. carnassier. Le silure devient totalement ichtyophage dans sa seconde année, ingérant gardons, ablettes, poissons-chats et carnassiers. Préféré des pêcheurs au gros, qui le sortent de l’eau… pour l’y remettre, le silure est tenu par d’autres responsable de la chute générale de peuplement. Question non tranchée, puisque le Danube, fortement peuplé de silures, reste l’un des fleuves les plus poissonneux avec plus de 100 espèces (40 à 50 dans nos rivières). Un programme de recherche a été engagé en partenariat entre la section Saône de l’Union des Fédérations de Pêche et le Syndicat Mixte Saône & Doubs.

Visuel 8.9 – CD GT 9 Planche 8 Le silure

Les poissons blancs

Les ablettes se rencontrent par grands bancs, et se rassemblent par millions en hiver dans les canaux et les ports. Parmi les grands cyprinidés, citons les gardons, les brèmes, les barbeaux, les tanches, les chevesnes. Les poissons-chats, autrefois nombreux, sont de plus en plus rares, mais généralement gros.

Visuels 8.5 – CD GT 9 Planche 8 Le gardon

8.1 – CD GT 9 Planche 8 Le barbeau

8.10 – CD GT 9 Planche 8 La tanche