Chapelle du Château de Pierreclos
La chapelle de Pierreclos est située dans l’enceinte du château du même nom, dans le département de Saône-et-Loire, en Bourgogne-Franche-Comté. Elle conserve de roman sa travée de chœur, son abside et son clocher. En revanche, sa nef a été détruite au XVIe s., après les guerres de Religion. La chapelle a été construite dans la deuxième moitié du XIIe s. par les chanoines de St-Vincent, afin d’asseoir leur contrôle sur le territoire face aux attaques d’un noble local. Elle avait alors le statut d’église paroissiale et se trouvait sous le vocable de Saint-Martin. Au XIIIe siècle, il semble que le noble en question se soit emparé des terres des chanoines, forçant les habitants à quitter les lieux. Au siècle suivant, une chapelle édifiée au bourg prend le statut d’église paroissiale, condamnant celle de Pierreclos à être rabaissée au rang de chapelle et à devenir un lieu de culte privé rattaché au château nouvellement construit.
Adresse | Le Château, 71960 Pierreclos |
Coordonnées GPS | 46°19'49.0"N 4°41'11.2"E |
Paroisse de rattachement | Paroisse Saint Vincent en Val Lamartinien |
Protection Monuments Historiques | Inscrite en 1984 |
Sommaire
Historique[1]
La commune de Pierreclos a fait l’objet de plusieurs études historiques modernes de la part de différents médiévistes et archéologues[2]. De ces recherches ressort une histoire riche et ancienne. La ville est pour la première fois mentionnée dans une série de chartes des Xe et XIe siècles, d’abord sous le nom Clipgiaco/Clitgiaco/Clippiaco. Des traces encore plus anciennes maillent le territoire de la commune : vestiges Gallo-Romains, sépultures du haut Moyen-âge. Au milieu du Xe siècle, les terres de Clitgiaco sont remises à Saint-Vincent[3].
Entre 940 et 950, le duc Hugues le Noir, le comte Léotald et l’évêque Maimbaud remettent aux chanoines de Saint-Vincent un ensemble de biens dans lequel figure une église dédiée à Saint-Martin. La date de construction de cette église reste inconnue, mais il est probable qu’elle remonte au VIe siècle, date à laquelle un évêque de Mâcon s’installe dans la région et acquiert un vaste territoire couvert de vignobles.
En 1140, le nom de mansum Peter Clause (c’est-à-dire « rocher fortifié ») apparaît pour la première fois dans un acte d’Hugues de Berzé pour la remise des terres à Cluny. La fortification du rocher entre 1100 et 1140 aurait ainsi entraîné le changement de toponyme. En 1147, Hugues vend aux chanoines de Mâcon les dîmes de Pierreclos. En 1170, le seigneur de Berzé cède aux chanoines les droits de justice dans le clos.
La chapelle actuelle du château de Pierreclos, alors église Saint-Martin, est construite à la fin XIIe siècle à l’emplacement de l’église précédente. Les chanoines veulent alors visiblement agrandir les lieux et asseoir leur autorité sur les terres face à un noble laïc des environs (probablement du lignage des Berzé[4], cette famille étant en conflit avec les ecclésiastiques de la région tout le long des siècles précédents). Pour ce faire, la nouvelle église se pare d’une architecture et d’un décor beaucoup plus luxueux et raffiné que la précédente.
Jusqu’au XIIIe siècle, la seigneurie de Pierreclos reste aux mains des Berzé, puis tombe dans celles des Beaujeu au XIVe, et revient enfin à diverses lignées de petite noblesse. C’est probablement au XIIIe siècle que le seigneur laïc semble prendre le dessus sur les chanoines : la population est forcée de quitter l’enceinte, et une première construction du château pourrait remonter à cette époque-là. Un bourg se forme au Nord de la fortification, et une chapelle y est construite, qui devient vite église paroissiale (aujourd’hui Saint-Martin, reconstruite au XVIIIe) à la place de l’église Saint-Martin.
Au XVIe siècle, après les Guerres de Religion, la nef de l’église Saint-Martin est abandonnée. Seule la partie orientale de l’édifice est restaurée pour réparer les dommages de la guerre. L’installation d’une bouche à feu dans la travée sous clocher laisse penser que l’utilisation liturgique de la chapelle est alors déjà moindre.
Description architecturale
GLOSSAIRE : Bourgogne Romane
L’ancienne église Saint-Martin est située au centre de l’enclos actuel du château de Pierreclos, surélevée par rapport au relief environnant. Sa partie orientale domine de cette manière la vallée de la Petite Grosne. La chapelle du château de Pierreclos suit à l’origine un plan simple, habituel dans l’art roman (nef unique suivie d’une travée sous clocher et d’une abside semi-circulaire). Cependant, les détails de sa construction et le mélange des genres font d’elle un exemple singulier de l’architecture de l’époque, et entrainent une incertitude quant aux dates précises de sa construction. Pour Christian Sapin, l’usage de certaines techniques rapprocherait l’édifice d’autres monuments de la région, tel que Cluny III, et ferait donc dater l’église Saint-Martin de la fin du XIe siècle ou du tout début du XIIe. Selon Alain Guerreau, la majorité des éléments stylistiques de la chapelle tendent en fait à prouver une construction à la fin du XIIe siècle, en plusieurs phases, ce que semblent renforcer les sources historiques concernant le château et la paroisse.
En partant de cette théorie, et en acceptant que seules des fouilles archéologiques et historiques poussées pourraient confirmer ou infirmer ces suppositions, l’architecture de la chapelle rend compte d’une construction soignée et méthodique. L’église du XIIe semble ainsi reprendre l’emplacement et la forme de la précédente (très certainement pour appuyer la présence de longue date des chanoines, et donc leur autorité), en y ajoutant cependant des éléments propres à l’art roman de l’époque.
Tout d’abord, la nef à l’origine probablement dépourvue de bas-côtés[6], n’existe plus aujourd’hui. Il n’en reste qu’un arc triomphal la reliant à la travée de chœur[7], couvert en cintre brisé, à double rouleau et porté par des colonnes avec chapiteaux sculptés d’animaux et d’atlantes. Les dimensions de la travée sous clocher sont d’environ 5m de largeur et 3m20 de longueur. Elle est voûtée en berceau brisé. Le mur Sud de la travée est couvert d’un « faux appareil ocre-rouge sur fond blanchâtre »[8], et le mur sud est ouvert par une petite bouche à feu, datant probablement du XVe ou XVIe siècle.
L’abside est quant à elle longue d’environ 3m et voûtée en cul-de-four brisé. Elle est ouverte par trois baies en plein cintre, doublement ébrasées. Celles-ci sont soulignées par des colonnettes à chapiteaux floraux et hauts socles[9]. Les murs de l’abside sont couverts d’une fresque réalisée au XIXe siècle par Claudius Clair, représentant le Couronnement de la Vierge. L’abside est couverte d’un toit en laves posé directement sur la voûte. Celle-ci est par ailleurs épaulée par deux contreforts à ressauts en moyen appareil[10].
Le clocher est de plan barlong[11]. Ses faces nord et sud sont identiques, et sont composées de deux niveaux de baies géminée dont les arcs en plein-cintre retombent au centre sur des colonnettes jumelées l’une derrière l’autre. Le niveau supérieur est souligné par un bandeau. La face est du clocher est quant à elle ouverte par une baie géminée au premier étage, et par deux baies géminées au second. Enfin, la façade ouest comporte un premier niveau nu, et un second percé de deux baies géminées. Le clocher est recouvert d’un toit pyramidal à quatre pans qui repose sur une corniche avec modillons.
Ce qui fait la singularité de cet édifice est donc le mélange des techniques. Selon Alain Guerreau, l’épaisseur des murs (115cm) paraît trop importante par rapport aux techniques du XIIe (d’ordinaire plutôt le signe d’une construction antérieure), ce qui tend à confirmer l’hypothèse de la reprise de la forme d’un édifice précédent pour le plan de celui-ci, tout comme l’absence d’une coupole sous le clocher au profit d’un simple berceau. Au contraire, le décor sculpté très présent et abouti[12] pour une église de cette taille souligne l’hypothèse de la datation à la fin du XIIe. C’est également le cas de la technique de construction, dont « les lits sont très réguliers et les petits moellons bien régularisés, [et] les chaînages d’angle […] en moyen appareil, quasiment sans joints »[13].
L’extérieur de la chapelle souligne également l’originalité de la construction. L’abside est marquée par la configuration des lieux : située à l’extrême bord de l’enclos du château, elle semble ramassée dans la longueur et est adaptée en hauteur au dénivelé qui la suit. De même, le clocher semble plus haut que d’ordinaire pour un édifice de cette taille, sans transept qui plus est. Alain Guerreau avance pour cela la thèse d’un rehaussement du clocher peu de temps après sa construction, toujours pour asseoir l’autorité des chanoines. La présence d’un premier état de toiture visible sur la façade ouest témoigne de cette surélévation postérieure à la première construction du clocher. Cette façade[14] montre également les différents états de la nef : on y voit l’ancienne trace du bâti ainsi qu’une baie bouchée qui devait mener au clocher. La fermeture du chevet se situe en dessous de cette ancienne ouverture, et a été agrémentée d’un portail néo-roman au XIXe siècle.
Inventaire décor et mobilier
- Fresques du XIXe dans l’abside, réalisées par Claudius Clair et représentant le Couronnement de la Vierge (dans la voûte).
- Chapiteaux romans du chœur sculptés d’animaux et d’atlantes[15] :
A gauche près du chœur : des fleurs de lotus, symbole de pureté du corps et de l’esprit A droite près du chœur : une chouette (symbole de sagesse) et des coquilles (symbole de résurrection)
- Chapiteaux floraux des fenêtres de l’abside.
- Chapiteaux de l’entrée[16] :
A droite : une scène de chasse, représentant la vie quotidienne A gauche : un orant (homme qui prie)
- Chapiteaux romans ajoutés à la façade Ouest de l’édifice, sur des petites corniches l’un en dessous de l’autre. Ils datent peut-être du XIXe, à l’époque où la fresque de l’abside a été peinte. Ils pourraient servir à démontrer le caractère ancien de l’édifice, et pourraient provenir du décor de la façade originelle[17].
- Deux vitraux dans l’abside (XIXe), représentant Saint-Pierre et la Sainte-Vierge, avec les blasons des familles Chaland et Thiollière (propriétaires de la chapelle au XIXe siècle).
- Faux appareil ocre-rouge sur le mur Sud de la travée sous clocher
- Autel dans le chœur
- Haut clocher à baies géminées
- Pierres blanches au-dessus de l’entrée : provenant de La Roche Vineuse, elles représentent un blason bûché, possiblement celui des Rougemont, dont les armes sont « de gueules, à un lion d’or, armé, lampassé et vilené d’azur ». On y devine la devise « à moy », surmontée de deux lions entourant le blason. Au-dessus de la pierre devait figurer une couronne comtale et un heaume.
Rénovations / Etat
XVIe : restaurations du chevet et du clocher après les dommages causés par les Guerres de Religion, la nef est supprimée XIXe : le portail néo-roman est ajouté, ainsi que les chapiteaux de la façade, et les peintures et vitraux de l’abside
La chapelle est en bon état général. Elle est régulièrement entretenue, et comporte une signalétique explicative pour les visiteurs.
Actualités
L’actualité du château et de sa chapelle est disponible sur le site internet de l'édifice : Château de Pierreclos.
Visite
Association engagée
Iconographie ancienne et récente
Plans cadastraux
Bibliographie
Sources
Propriétaire / Contact
Patrimoine local et/ou folklore
Notes et références
- ↑ Alain Guerreau, Notes d'observation sur la chapelle de Pierreclos
- ↑ Alain Guerreau cite ainsi Maurice Chaume, Georges Duby, Raymond Lacharme, et Hervé Mouillebouche.
- ↑ Charte 255 du cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon.
- ↑ Alain Guerreau
- ↑ Tous les plans sont issus de l’ouvrage du CECAB et plus précisément de l’article de Christian Sapin sur la chapelle
- ↑ Sapin, p°23
- ↑ Virey
- ↑ Ibidem
- ↑ Sapin, p°26
- ↑ Ibidem
- ↑ Virey
- ↑ Oursel mentionne lui aussi cet aspect de l’architecture, avec des « formes tardives et sculptures dégénérée »
- ↑ Guerreau, p°2-3
- ↑ Sapin, pour la description de la façade Ouest
- ↑ Signalétique touristique sur place
- ↑ Ibidem
- ↑ Thèse avancée par Christian Sapin. Alain Guerreau juge ces chapiteaux d’origine inconnue.