La terre d'Ouilly (Montagny-sur-Grosne) est connue depuis le début du XIIe siècle, puisqu'elle est mentionnée, en 1108, sous le nom de Williel, Ollihels ( Recueil de chartes de Cluny), mais les possesseurs les plus réputés de cette "maison noble sans justice" n'apparaissent qu'au début du XVIIe siècle avec la famille de Philippe de Foudras. (source : R. Oursel)
Au XVIII ème siècle, lors de la vente du domaine au marquis de Castellane, la terre et la maison d'Ouilly consistaient en "un château et domaine appellé le domaine d'Ouilly, composé de plusieurs chambres hautes et basses, cuisine, cave, galerie, grenier, cour, grange, étable, fenil, four, fournil, le tout couvert de tuiles allées de charmilles, prés, terres, [labourables] bois taillis et de haute futaye, le tout [...] situés en la paroisse de Montagny, lieu dit à Ouilly en la forêt du Nuglisois, les Brosses d'Ouilly, le bois Bouterat et la grande forêt contenant [...]environ quinze cens mesures..." (contrat de vente du domaine et de nombreuses autres propriétés locales de la famille de Foudras au marquis de Castellane; Archives de S&L, G383 n° 26, cité par R.Oursel). Vingt ans après cette vente, le vieux château, inhabité, comporte deux corps de bâtiments et deux tours séparées du château, une ronde et l'autre carrée : c'est une maison forte qui n'a rien à voir avec l'actuel château "à l'italienne".
"Boniface-Louis-André de Castellane, colonel en second au régiment de Ségur-dragons, en ayant hérité du domaine le 7 janvier 1789, le revendit à des marchands de biens qui eux mêmes, aliénèrent cette terre vers 1810.
Le nouvel acquéreur, à qui le marquis de Castellane avait déjà affermé le domaine en 1774, était Emilien Bruys, marchand à Mazille, Emilien Bruys, qui fut sous-Préfet de Charolles de 1815 à 1818.
La famille Bruys, contemporaine et voisine des Lamartine, fréquentait cette dernière, et, très jeune, le fils d'Emilien, Gilbert-Léon fut emmené par sa mère en visite à Milly où il rencontra Alphonse, de 14 ans son aîné. Lamartine évoque ces rencontres enfantines dans le poème-préface " à M. Léon Bruys d'Ouilly" :
"Enfants de la même colline, abreuvés au même ruisseau, comme deux nids sur l'aubépine, près du mien Dieu mit ton berceau. De nos toits voisins, les fumées se fondaient dans le même ciel; et de tes herbes parfumées mes abeilles volaient le miel. Souvent, je vis ta douce mère, de mes prés foulant le chemin, te mener, comme un jeune frère, à moi, tout petit, par la main."
Bachelier et licencié en droit, Léon, fils de l'acquéreur du château,fut nommé substitut du procureur du Roi à Villefranche sur Saône. Il démissionna de cette charge en 1830, refusant de se rallier à la royauté orléanaise, affirmant dès ce moment une forte conscience politique. Il partit alors visiter l'Italie pour y parfaire sa formation humaniste et artistique. C'est à Rome qu'il rencontra au cours d'un bal masqué une jeune femme mystérieuse, "à la chevelure d'or" dont il tomba éperdument amoureux et qu'il poursuivit dans toute l'Italie. Ayant appris qu'elle est mariée à un homme de 40 ans son aîné, le Comte Guiccioli, il se prit à espérer... lui fit-elle des promesses ?... En tous cas, Léon y crut, espèrant un mariage possible dès la mort prochaine du vieux mari... Il rentra en France où, peu de temps après, son père mourut en 1832. Y vit-il un signe du destin ? héritier du château, il fit démolir la vieille demeure et élever au même endroit une somptueuse villa dans le style italien. Mais pour ce faire, l'amoureux dépensa sans compter et s'endetta ; et comme Léon pressait la Comtesse Teresa Guiccioli de le rejoindre en Bourgogne, celle-ci tardait, tergiversait, tout en se renseignant sur l'état de fortune de son amant ... et après renseignement, décida de rompre. Celle qui fut également l'amante de Lord Byron lors de son séjour en Italie ne mit jamais les pieds à Ouilly. Léon, ruiné, inconsolable, s'essaya à la littérature, poussé par Lamartine qui lui offrit une préface à son roman en vers, Thérèse. Celui-ci connut un vrai succès porté par le renom de Lamartine. Pour l'aider financièrement, Lamartine l'engagea également comme secrétaire. Comme Lamartine, son mentor, à Milly, Léon Bruys devint maire de son village de Montagny, et s'engagea en politique, suivant la même inflexion d'un royalisme légitimiste à un républicanisme militant : il participa au banquet historique de 1847 au quai des Marans à Mâcon, quand le poète prophétisa l'avènement prochain de la République ; en 1848 il faisait partie de la direction du mouvement de la République, mais ne fut pas nommé à l'Assemblée constituante où il s'était déclaré candidat. Retiré à Ouilly mais toujours poursuivi par les dettes, il dut se résigner à vendre le château en 1851.
Léon Bruys mourut à Mâcon le 24 février 1866.
Le domaine changea encore de propriétaire : le 31 août 1868, le comte Aucaigne de Sainte-Croix, alors maire de Cluny et Conseiller général, se portait acquéreur d' Ouilly, pour la somme de 375 000 francs.Il le restaura, lui adjoignant un vaste bâtiment abritant en son rez-de-chaussée de magnifiques stalles dont la rumeur dit qu'elles étaient de marbre rose, pour loger ses chevaux, et aménage la forêt adjacente afin d'en faire un lieu propice à la vénerie, et son petit étang pour alimenter en eau filtrée le château, son lavoir, et son orangerie. Il construisit aussi la petite maison de garde du Nid d'oiseau, à côté de la monumentale grille d'entrée.
Après la guerre, le domaine d'Ouilly devint propriété de M. Ducerf, scieur à Vendenesse-les-Charolles : ce dernier en rasa la forêt, d'où furent sortis, par attelages de boeufs, des chênes de taille remarquable (photo). L'exploitation dura deux ans, puis, mis à nu, le domaine fut revendu en 1938, en lots : le château à la Commune de Chalon-sur-Saône pour y loger une colonie de vacances, ses dépendances (orangerie, ferme) à des exploitants, sa forêt à un médecin local.
Est devenu aérium et école de plein air lors de l'acquisition qu'en fit la ville de Chalon-sur-Saône après la seconde guerre mondiale.
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