Les métiers de la forêt autrefois

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Ces informations proviennent principalement des recherches effectuées par la Maison du Patrimoine, dans les années 2000, à Matour.

Généralités :

« Un corps à corps sans fin :

Mystérieuse et redoutée, la forêt a pourtant fait l’objet d’une conquête systématique par l’Homme. Partout où la pression faiblissait, la forêt reprenait ses droits. Durant toutes les périodes conflictuelles, et en particulier durant les 2 guerres mondiales, beaucoup de friches se réinstallaient, et les sommets se reboisaient. Aujourd’hui, le canton montre un paysage maîtrisé, partagé entre bocage et forêts exploitées. Mais l’Homme n’a jamais définitivement gangé : les plantations de douglas – résineux massivement implantés pour leur rendement – ont été dramatiquement balayées par l’exceptionnelle tempête de l’an 2000. »

« Les hommes de la forêt :

De nombreux métiers intervenaient dans l’exploitation du bois, et certains vivaient au cœur de la forêt tout au long de l’année. Les bûcherons coupaient les arbres à la hache ou au passe-partout. Les scieurs de long débitaient (sur place) le bois en planches ou en poutres. Les fendeurs de gros et fendeurs de menu façonnaient bardeaux et lattes. Les écorceurs recueillaient l’écorce pour son tan, ceux de Matour allant vers Tramayes qui possédait des tanneries. Les façonneurs d’écorce récupéraient l’écorce après tannage pour en faire des galettes de combustible. Les charbonniers brûlaient en meule le bois pour en faire du charbon. Le transport se faisait à l’aide d’attelages de bœufs, et parfois de vaches. » in « La forêt et les hommes, métiers anciens et essences choisies », panneau d’exposition de la Maison du Patrimoine de Matour, de Gérard THELIER, 2000

Charbonniers :

p. 88, 89, in « Vieux métiers et pratiques oubliées… », de Georges BERTHEAU

La charbonnette : « La charbonnette était en principe débitée par les bûcherons, plus rarement par les charbonniers. De préférence au chêne, on amassait des branches de charme car c’est un bois qui oudrille (conserve son eau sous une écorce compacte). L’acacia donnait également un très bon charbon, meilleur que celui du châtaignier. En revanche le bouleau, le noisetier et le sapin n’offraient point de grands rendements. Quoi qu’il en soit on cuisait tout, mais en évitant autant que possible de mélanger les essences en une même meule. »

L’emplacement :
« Le charbonnier choisissait un endroit approprié qu’il débrousaillait aussitôt. Ce devait être un emplacement de terre meuble, parfaitement aplani. La moindre pente faisait couler le feu et provoquait des incuits. On carbonisait le plus souvent sur un ancien fourneau pour ménager sa peine. »[1]

La meule :
« La meule était bâtie autour d’un poteau central de 2 m, au pied duquel on déposait du fraisil et des copeaux. Puis on accotait une couronnes de charbonnettes contre ce poteau, sur un rayon de 7 coudées. Les branches, sciées à 85 cm, devaient être serrées verticalement et ne point s’enchevêtrer de façon que la meule s’effondre progressivement au cours de sa calcination. Cette assise rangée, on couchait dessus une seconde étagée de charbonnettes disposées en soleil. La meule entassée atteignait une hauteur d’1,60 m et se composait de 12 à 14 stères. On la recouvrait alors d’une épaisse coiffe de feuilles, à défaut de mousse et de fenasse, d’herbes ou de roseaux arrachés au bord des étangs, puis on la chemisait d’une cache de terre qu’on agglutinait au besoin d’un arrosoir (d’eau). C’était cette lourde chape qui permettait au bois de se calciner lentement, sans flamme vive. La meule se présentait alors sous la forme d’un monticule arrondi qui la faisait appeler dos de tortue. Un charbonnier dressait plusieurs meules dans sa clairière mais n’en allumait qu’une à la fois, pour ne pas se laisser déborder par l’ouvrage. »[2]

Fendeurs de gros et fendeurs de menu : [3]

Le fendeur-lattier :
« Un fendeur bûchait toute l’année, sauf pendant les moissons où il prêtait la main aux fermiers. Il produisait principalement des lattes à toiture et du lattis à plâtrer, que l’on nommait du bacula ou du palisson.
… arrivé sur l’abattis, il construisait la bique sur laquelle il éclaterait ses lattes : un chevalet composé d’une branche fourchue et de 2 pieds assemblés en pyramide.
… L’affutage du lattier comprenait 3 sortes de départoirs : la doloire, le coutre et le latton, plus une mailloche à tête cylindrique, la babou, taillée dans une pièce de bois.
… Les chênes étaient débités encore verts. On sciait d’abord les billes à une longueur de 4 pieds (1,33 m). ( ) Les billes étaient ensuite divisées en demis puis en quartiers avec la doloire, enfin en huitièmes trépanés (3 pans) à l’aide du coutre. » Les huitièmes étaient fendus en lattes par la lame du latton parallèle à l’écorce, en débutant par le cœur.[4]

Scieurs de long :

p. 84, 85, in « Vieux métiers et pratiques oubliées… », de Georges BERTHEAU « Sitôt arrivés sur le chantier, les scieurs de long montaient leur chèvre à longue queue, qui servirait pendant la saison entière, au besoin pendant les années suivantes, puis ils donnaient un dernier coup de hache sur son banc de montage pour bien l’équarrir, enfin ils taillaient les coins et assuraient la chaîne d’amarrage qui maintiendrait les billes à débiter.
… Chaque scieur, selon son origine ou son habitude, construisait une chèvre différente (2 ou 3 pattes). ( ) Cette chèvre assemblée, il convenait d’affûter la scie, que d’aucuns appelaient la niargue.
… Quelques-uns graissaient leur scie à la couenne, au nombril ou à la queue de cochon, ce qui facilitait le glissement de l’acier dans le bois. On raffûtait chaque jour, le plus souvent à la reprise du tantôt. Une équipe de scieurs se composait toujours d’un couple d’hommes : le chevrier et le renardier, le scieur d’en haut et le scieur d’en bas ( ), compagnons (souvent) appariés, souvent des frères venus d’une lointaine paroisse. Ensemble, ils équarrissaient d’abord les fûts à l’aide de leur hache à large fer, à même le sol.
… Une fois la bille parfaitement équarrie et lisse à la main, restait à la ligner avant de la chaîner sur la chèvre et d’empoigner la niargue. Les traits de scie se traçaient à la cordelette (ficelle trempée dans l’eau noircie à la cendre). »
La pièce était hissée sur la chèvre (à la main, avec des leviers ou un cric de voiturier), calée avec des coins et maintenue par la chaîne d’amarrage. Le chevrier, monté debout sur la bille, et le renardier, placé en bas jambes écartées, tirent la scie vers eux l’un après l’autre. « Le chevrier guidait la lame, qui ne mordait le bois qu’en descendant. ( ) La bille entamée aux 2/3, on la faisait pivoter sur la chèvre et on l’attaquait à contresens… On débitait de la sorte des poutres pour les charpentiers, des planchers pour les menuisiers, des traverses et des fonds de wagon pour les chemins de fer, des étais pour les mines, des limonières (toujours dans le cœur de l’arbre) pour les charrons. »[5]

Equarrisseurs : « En principe ( ) les scieurs de long étaient également équarrisseurs en bois puisque les 2 façons allaient de pair et se complétaient (préparation des grumes à débiter). ( ) cela ne devenait un métier à part entière que dans la construction navale où les besoins en madriers de haut fût permettaient d’occuper une nombreuse équipe.
… D’abord on griffait le tronc, on le calait sur ses chantiers de rondins pour l’empêcher de rouler ; ensuite, on tendait les cordons de guidage sur sa longueur, d’un bout à l’autre, selon les dimensions désirées et le gabarit de la grume ; enfin, on commençait à épanneler avec la dégrossisseuse, les pieds fermement plantés de chaque côté de la bille… Quand l’arbre à allégir semblait trop imposant ( ) l’équarrisseur grimpait dessus et s’y tenait en équilibre.
… La finition s’effectuait à l’équarrisseuse, cette terrible hache dont le tranchant impressionnant, d’une trentaine de centimètres, détachait des copeaux d’une largeur supérieure aux 2 paumes d’un homme, l’épaisseur ( ) ne dépassait guère celle d’un ongle.
… Chaque équarrisseur possédait ses outils personnels, auxquels il prodiguait les plus grands soins… »[6]

Ecorceurs, tanneurs, façonneurs d’écorce :[7]

« … On profitait de la montée de la sève. Les chênes étaient abattus au passe-partout ou à la cognée. En ‘gris’, c’est-à-dire avec leur écorce. On évitait d’en coucher trop par avance, car les grumes séchées ne se laissaient pas dépouiller facilement. Les hommes dénudaient les gros troncs, les femmes raclaient les ‘billettes’ et les gosses aidaient au besoin à lier les fagots. La serpe entaillait le regros que l’on décollait ensuite à l’aide d’une curette tranchante : l’écorçoir. Les pelards étaient entassés d’un côté, le bois nu de l’autre. La pèlerie s’achevait à la mi-juin, quand le feuillage ne poussait plus. »[8]

Charretier de bât, débardeur-roulier :

Charretier de bât : Mulets et chevaux accomplissaient le transport, menés par le charretier de bât, hors des ‘charrières’ des forêts les mieux desservies où manoeuvraient attelages et ‘trinqueballes’.[9]

Voiturage :
« Le débardeur réservait ses samedis à un travail moins pénible. Il attelait sa charrette et passait la journée à enlever les fagots. Une voiturée ordinaire correspondait à 5 stères mais sur certains terrains poisseux, il valait mieux diviser la charge en plusieurs allées et venues, de la coupe à la route, et ne pas s’enliser ou verser dans quelque bourbier. Au besoin on hanarchait un 2ème cheval devant le limonier.
… Le débardeur ôtait également les bourrées que les bûcherons empilaient en fagotiers. Il venait les chercher dans le courant de l’hiver. Les voitures utilisées au transport de ces menus bois n’avaient pas l’allure des gerbières de plaine : leurs ridelles étaient beaucoup moins hautes, ce qui en facilitait le chargement. »[10]

Débardeur-roulier :

Débardeur : « Le débardage des grumes se faisait avec les chaînes. L’homme se tenait prudemment à l’écart et commandait son équipage à la voix : il devait en effet se garder des méchants troncs… 1 ou 2 bêtes, selon la grosseur des grumes, traînaient leur somme entre les souches, parfois sur 2 km de traverse, jusqu’à l’accotement (en friche) de la route. »[11] Sur le canton de Matour, on utilisait plutôt pour le transport des attelages de bœufs, et parfois de vaches. Quelques anciens de Matour savent encore pratiquer ce débardage (limité à quelques troncs), et l’attelage de charolaises, comme le montrent des photos prises récemment. Cette pratique permettait à chaque petite exploitation de traiter son propre bois de chauffage et de construction, sur la parcelle de bois de l’exploitation.[12]

Roulier : « (Sur l’accotement de la route) les pièces étaient couchées sur 2 cotrets : ainsi le roulier les ceinturait-il plus aisément au moment de les attacher sous son fardier. Un cheval seul pouvait tirer à plat 1 ou 2 grumes à la fois, soit près d’une tonne de bois.

… Le roulage des grumes déposées en bordure de route ( ) débutait sitôt la Toussaint fêtée. (Vers 1924) on se servait encore de triqueballes, sous les essieux desquels on suspendait les troncs. Ces antiques fardiers possédaient 2 trains de roues que l’on espaçait en fonction des longueurs à charroyer. On calait ces grandes roues avec des cotrets ; un cheval hissait les grumes en tirant sur les chaînes pendant que l’autre patientait entre les brancards. Le chargement terminé (4 à 5 grumes), le roulier arrimait solidement le tout puis attelait le cheval de chaîne devant le limonier, en flèche. On ne bouclait généralement qu’un seul voyage dans sa journée, 2 ou 3 lieues séparant souvent les coupes de la scierie. »Erreur de référence : Balise fermante </ref> manquante pour la balise <ref>.
  1. p. 74, in « Les forestiers, vieux métiers des taillis et futaies », de Gérard BOUTET, ed. Jean-Cyrille Godefroy, 2002
  2. p. 74, 75, in « Les forestiers, vieux métiers des taillis et futaies », de Gérard BOUTET, ed. Jean-Cyrille Godefroy, 2002 ( ?)
  3. p. 90, in « Vieux métiers et pratiques oubliées… », de Georges BERTHEAU
  4. p. 92, in « Les forestiers, vieux métiers des taillis et futaies », de Gérard BOUTET, ed. Jean-Cyrille Godefroy, 2002 ( ?)
  5. p. 107, 108, in « Les forestiers, vieux métiers des taillis et futaies », de Gérard BOUTET, ed. Jean-Cyrille Godefroy, 2002 ( ?)
  6. p. 110, 111, in « Les forestiers, vieux métiers des taillis et futaies », de Gérard BOUTET, ed. Jean-Cyrille Godefroy, 2002 ( ?)
  7. p. 92, in « Vieux métiers et pratiques oubliées… », de Georges BERTHEAU
  8. p. 41, in « Les forestiers, vieux métiers des taillis et futaies », de Gérard BOUTET, ed. Jean-Cyrille Godefroy, 2002 ( ?)
  9. p. 92, in « Vieux métiers et pratiques oubliées… », de Georges BERTHEAU
  10. p. 117, in « Les forestiers, vieux métiers des taillis et futaies », de Gérard BOUTET, ed. Jean-Cyrille Godefroy, 2002 ( ?)
  11. p. 117, in « Les forestiers, vieux métiers des taillis et futaies », de Gérard BOUTET, ed. Jean-Cyrille Godefroy, 2002 ( ?)
  12. Note G.THELIER, 1999